Carré Blanc Sur Fond Blanc, ou comment le vide structure la pensée...
Une toile carrée, peinte en blanc. à l'intérieur de cette toile, un carré plus petit, placé en biais, peint d'un blanc aux tonalités plus bleutées que celui du fond. Un carré blanc sur fond blanc. La simplicité absolue.Le premier monochrome de l'ère moderne. Que veut dire cette oeuvre? Masturbation intellectuelle ou réflexion profonde sur la marche du monde?
Kasimir Malevitch, peintre autodidacte, s'est penché sur plusieurs courants, en maîtrisant les techniques. Il est à la recherche d'épuration, que l'art soit le plus possible l'expression d'une sensation et non d'une pensée.
1917. Révolution de février, révolution d'octobre, renversement du Tsar, montée de Lénine au pouvoir. En pleine première Guerre Mondiale. Le monde est en plein changement, la Russie devient l'Union Soviétique. Le communisme promet l'avènement de l'Homme Nouveau, d'une Humanité réconciliée, solidaire, unie. il n'en sera rien... La sensation dominante devient vite celle de l'oppression, et non pas l'égalité...
1918. L'artiste, idéaliste, préconise le suprématisme en art: qu'il devienne expression absolue, suprême et subjective du RESSENTI. Il peint son Carré Blanc Sur Fond Blanc.
La peinture a changé au cours du XIX ème siècle avec l'apparition de la photo. L'on ne se contente plus de reproduire, de recréer des scènes religieuses, mythologiques, historiques ou des paysages. L'artiste se doit d'apporter un plus, un sentiment immédiat. Les techniques se multiplient, le fauvisme, l'impressionisme, l'expressionisme font la part belle à la couleur, à la matière même qu'est la peinture. Le coup de pinceau n'est plus lisse, il participe activement à donner un sens à la toile, annonçant la révolution cubiste: géometrisation des formes, abolition de la perspective, juxtaposition des plans et des matières, opposition des formes métaphysiques "parfaites" aux formes terrestres; et finalement, on aboutit à l'abstraction. Le Suprématisme de Malevitch pousse la logique de l'abstraction de façon radicale. Avec des formes pures, des couleurs pures, on va vers la dématérialisation de la peinture. Elle devient sensation de pureté, débarassée de tout, y compris de sa matière. Le carré blanc bleuté suggère un abîme vers l'absolu, un abîme lumineux, étheré, cosmique.
Mais que peut on ressentir VRAIMENT devant ce tableau? Je veux parler du profane qui le regarde en ignorant tout de lui, de son auteur, de sa date de conception, de son contexte historique et artistique. Comment définir ce qu'on pense/ ressent face à ce tableau en peu de mots, en un mot? Je vous le demande...