De l'usage abusif des pronoms possessifs...
Le besoin de posséder, c'est ce qui a causé la perte de la paix et de la tranquilité à l'Humanité! Les problèmes ont commencé quand le système de mise en commun des ressources au sein d'une communauté d'individus a pris fin; l'invention de la PROPRIÉTÉ, voilà la vraie sortie du Paradis! À partir du moment où le fait de posséder donnait un avantage sur le prochain, où l'on s'est mis à monnayer et non plus à échanger seulement, le monde a couru à sa perte à vitesse grand V!
Si l'on transpose la situation au domaine amoureux, on pourrait croire que c'est la même chose: le posséder, c'est perdre l'objet de notre affection. OUI. Et NON. En fait tout dépend, comme souvent lorsqu'il ne s'agit pas de simple logique, quand l'émotionnel rentre en jeu, on ne peut pas équationner de façon simpliste les choses. Essayons tout de même, avec les limites propres à cette méthode, de comprendre dans quelle mesure posséder et aimer sont deux choses très distinctes.
Aimer, c'est une idée; aimer c'est un état; aimer, c'est un sentiment; "aimer, c'est ce qu'il y a de plus beau"; aimer, c'est tout ce que voudra que ce soit celui qui aime ou croit aimer, car aimer, c'est SUBJECTIF. Mais on s'accorde à peu près sur ce que sont les manifestations de cette idée parfois abstaite. "Il n'y a pas d'Amour, il n'y a que des preuves d'Amour". L'on se donne des petites attentions, des petits surnoms, on recherche la compagnie l'un de l'autre, on prend plaisir à contempler le plus banal des spectacles si c'est avec LA personne... On multiplie les gestes et les actions qui vont dans le sens d'une construction d'une histoire commune, d'une mythologie amoureuse personnelle, d'une relation tout simplement.
Dans ce contexte, il n'est pas improbable que d'aucuns, manquant de ces mêmes "preuves" de la part de leurs conjoints (qui sont peut être juste peu expressifs de nature), en viennent à les réclamer, ou à vouloir les obtenir coûte que coûte. C'est là que, malgré les sentiments existants, la crainte de perdre l'affection de l'autre fait que nous tombions dans la dérive de la possession. Bien sûr, il est normal de dire MA CHÉRIE, MON COPAIN, MA FEMME, MON MARI; après tout, ce sont les gens envers qui nous avons des sentiments amoureux, et un lien clairement défini nous unit à eux. Mais ce pronom ou adjectif possessif ne doit pas rendre compte d'une domination. Pas en Amour. Il doit être une forme d'exprimer l'attachement, et non pas d'attacher l'autre à nous envers et contre lui même. Alors oui, c'est un abus de langage que d'employer de tels raccourcis, mais la langue française (et les autres que je connais) n'a pas encore inventé un mot qui exprime pleinement cet état d'appartenance libre, de volonté d'être "avec" sans être "à"... Ma chérie, ce n'est pas quelqu'un qui doit m'appartenir, sur qui je dois avoir un droit de vie ou de mort, dont je surveille, contrôle les faits et gestes... Ça doit être tout simplement la cible de mes attentions, de mes "nobles sentiments", non pas l'otage de mon insécurité et de mon besoin de contrôle...
Tout ça pour dire comme dans la chanson des Tribalistas, "eu sou de ninguém, eu sou de todo mundo e todo mundo é meu também" (je ne suis à personne, je suis à tout le monde et tout le monde m'appartient aussi). Ce n'est pas une ode au libertinage, loin s'en faut. C'est une ode à la liberté, la liberté d'aimer, d'être profondément amoureux, et d'en profiter sans barrières, sans limites, dans le respect de soi et de l'objet de notre amour. C'est, selon moi, la seule façon saine d'aimer et de se laisser aimer. Celui qui aime n'a besoin d'autres limites que celles qu'il s'impose lui même. Celui qui tient à l'autre, qui tient à avoir un rapport vrai, basé sur la confiance réciproque, ne peut en aucun cas subir des pressions, sous peine de s'envoler par peur de vivre son amour comme une cage dorée dont il n'aurait pas la clé ni la liberté d'en partir. RESTER de soi même, sans obligations, pressions ou attaches autres que l'envie de construire avec autrui, voilà pour moi la seule preuve d'amour valable par les temps qui courent...